LE VISAGE DE LA HONTE
Chères consœurs, chers confrères,
Voilà ce qui m'est venu à l'esprit en voyant des représentants du peuple se lever comme un seul homme pour célébrer la perte de liberté de certains de nos concitoyens. Ces visages exprimaient une joie malsaine, celle de voir enfin soumise cette profession soi-disant puissante et corporatiste, qui profite depuis tant d'années de l'argent des Français sans aucune contrepartie.
La nausée s'installe.
Ces mêmes représentants, incapables de maintenir des services publics efficients dans ces territoires délaissés au profit des métropoles, de protéger nos soignants, de résoudre la situation indigne des padhues, et de faire respecter les lois régissant le travail des internes, se permettent de nous expliquer nos devoirs, ceux des jeunes médecins, et, finalement, tout ce que nous devons à cet État providence !
La différence, c'est que nous sommes toujours présents, même lorsque le bateau prend l'eau, tant en ville qu'à l'hôpital. Nous ne manquons jamais à l'appel lorsque tout un pays a besoin de nous. Mais eux, où sont-ils ? Que dire des presque 400 député(e)s absents lors du vote ? Que répondent-ils au manque de moyens dont souffrent nos professeurs pour offrir un enseignement et un encadrement dignes de ce nom ? Quelle loi mettront-ils en place pour prévenir le suicide d'un médecin tous les trois jours, épuisé par son travail ? Quelle mesure prendront-ils pour rétablir des services publics dans ces territoires où l'accès à un médecin est crucial ?
Oui, la nausée est désormais palpable. Et la rupture, quasi complète.
Leur démagogie semble sans limites. Les hôpitaux sont au bord de l'effondrement, la médecine de ville ne se porte pas mieux, et on nous dit que certains territoires manquent de médecins. Mais combien de médecins manquent au CHU de Dijon ? Combien de généralistes manquent à Beaune ? Nous ne parlons même pas ici de territoires ruraux !
On nous répondra que la régulation des sage-femmes et des kinésithérapeutes est une réussite. Observons donc la facilité d'accès à ces professionnels dans la Nièvre pour constater l'ignorance des résultats de leurs propres décisions.
L'Ordre ne participera pas à cette médiocrité populiste, orchestrée par ceux qui portent la responsabilité du désastre annoncé de notre système de soins. Quiconque s'y associera au sein de notre profession sera perçu comme un parjure.
Dans les semaines et les mois à venir, nous devons faire bloc : professeurs, praticiens hospitaliers, médecins libéraux, salariés. Nous le devons d'abord à nos futurs confrères, consœurs, à notre profession mais aussi simplement aux patients.
En tant que président de l'Ordre des médecins de Côte-d'Or, je m'opposerai avec fermeté à toute forme de coercition et continuerai à travailler avec vous toutes et tous pour soutenir tout projet hospitalier, libéral, public, privé ou mixte, afin d'apporter aide et assistance à nos concitoyens.
Bien confraternellement.
Docteur Romain THEVENOUD,
Président du Conseil Départemental de Côte d’Or
de l’Ordre des Médecins
LE VISAGE DE LA HONTE